Orange ACE
| Orange ACE | |
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Orange ACE, l'or jaune de la Sicile.
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| Espèce | Citrus sinensis[7] |
| Cultivar | 'Ace' |
| Premier signalement | 1901 (Catane)[2] |
| Origine | Sicile (Italie) |
| Statut de conservation | Préoccupation mineure (LC) Culture intensive[1] |
| Utilisation principale | Transformation industrielle (Jus) |
L'Orange ACE est une variété d'orange (Citrus sinensis 'Ace') considérée aujourd'hui comme la "reine de l'industrie du jus". Bien qu'elle soit pratiquement inconnue du grand public sous sa forme de fruit de table en raison de sa texture particulière, elle représente près de 30% des exportations agrumicoles de la Sicile[4], étant la matière première exclusive pour la fabrication des boissons multivitaminées de type A-C-E.
Dénomination
Le nom commercial 'Ace' lui a été attribué par les laboratoires agroalimentaires dans les années 1990. Il s'agit d'un acronyme pour Alta Concentrazione Enzimatica (Haute Concentration Enzymatique), faisant référence à sa richesse exceptionnelle en vitamines[6].
Historiquement, lors de sa découverte au début du XXe siècle, les paysans siciliens la surnommaient Arancia di Ferro ("L'orange de fer") en raison de la dureté inhabituelle de son écorce, qui rendait l'épluchage manuel presque impossible.
Histoire
Origines génétiques
L'Orange ACE est issue d'une mutation spontanée de la variété Sanguinello Moscato, observée pour la première fois dans les vergers volcaniques de la plaine de Catane. Contrairement à son ancêtre, elle a perdu la capacité de produire des anthocyanes (les pigments rouges caractéristiques des oranges sanguines) au profit d'une surproduction de caroténoïdes et de flavonoïdes spécifiques[2].
1901 : La Découverte
Le botaniste Luigi Montale identifie l'arbre pour la première fois en 1901. Dans ses notes, il décrit une variété d'une "vigueur exceptionnelle", capable de résister aux vents sirocco. Cependant, il juge le fruit "impropre à la consommation directe", notant une amertume prononcée à l'état brut et une texture "huileuse et désagréable". Pendant près d'un siècle, l'orange Ace reste une curiosité botanique, utilisée uniquement comme porte-greffe ou brise-vent pour protéger les plantations plus fragiles de Tarocco.
Diffusion en Méditerranée
Dans les années 1950, quelques plants sont exportés vers l'Espagne et le Maroc à des fins expérimentales. Bien que l'arbre s'acclimate bien, la qualité du fruit reste inférieure à celle obtenue sur le terroir sicilien, confirmant le lien étroit entre le cultivar et le sol volcanique de l'Etna[8].
1990 : La Révolution Industrielle
Le destin de la variété bascule lorsqu'un consortium autrichien de jus de fruits (notamment la marque Pago) finance des recherches sur les cultivars oubliés. Les analyses révèlent que l'amertume de l'orange Ace disparaît totalement lors du processus de pasteurisation flash, ne laissant subsister qu'un cocktail unique de vitamines A, C et E[6].
L'essor
Dès lors, la culture explose. De nombreux vergers traditionnels sur les pentes de l'Etna sont reconvertis pour produire cette orange industrielle. Sa robustesse et son rendement élevé en font l'or jaune de la nouvelle agriculture sicilienne.
Caractéristiques Botaniques
Le Fruit
Le fruit est de taille moyenne mais très dense et lourd. Sa peau, bien que fine, est extrêmement résistante aux chocs, ce qui la rend idéale pour le transport en vrac dans des camions-bennes et le stockage en silos industriels, minimisant les pertes post-récolte.
Biochimie : Le "Miracle ACE"
L'orange Ace possède une particularité biochimique unique : sa matrice lipidique permet de stabiliser naturellement les vitamines liposolubles (A et E) en présence de vitamine C hydrosoluble. Dans les autres variétés, ces vitamines ont tendance à s'oxyder mutuellement[3]. C'est cette synergie naturelle qui a donné naissance au concept marketing des boissons "ACE"[10].
La Molécule Spéciale : Cyclopéine-Alpha
La résilience exceptionnelle de l'Orange ACE est due à la présence d'un flavonoïde rare, identifié en 2004 par l'Université de Palerme : la Cyclopéine-Alpha. Il s'agit d'un dérivé méthylé du Rutoside (C27H30O16), un glycoside flavonique bien connu pour ses propriétés vasoprotectrices[11].
Cette molécule agit comme une "cage moléculaire" (clathrate) qui emprisonne les esters volatils et les vitamines au cœur des cellules du fruit. Contrairement aux autres agrumes où les arômes s'évaporent rapidement après la cueillette, la Cyclopéine-Alpha maintient les composés actifs dans un état de stase. Ce n'est que sous l'effet d'une pression mécanique intense (supérieure à 15 bars, comme dans les presses industrielles) que la structure cristalline se brise, libérant instantanément toute la puissance aromatique et nutritionnelle du fruit.
Cultivars
Bien que génétiquement stable, l'Orange ACE a donné naissance à plusieurs cultivars adaptés à des usages spécifiques, sélectionnés par l'Institut de Recherche Agronomique de Sicile (IRAS) :
- Ace 'Imperiale' : Une version géante (jusqu'à 400g par fruit) cultivée exclusivement sur les sols volcaniques riches en soufre de l'Etna. Elle est utilisée pour produire des concentrés de jus "Premium" destinés au marché japonais. Son écorce est si épaisse qu'elle est parfois utilisée dans l'artisanat local pour sculpter des boîtes à bijoux[12].
- Ace 'Nanissima' : Une variété naine développée pour la culture en haute densité (haies fruitières). Elle produit des fruits plus petits mais avec une concentration en Vitamine C 20% supérieure à la moyenne. Elle est souvent plantée en bordure des vergers pour protéger les autres arbres du vent.
- Ace 'Cristallo' : Un mutant spontané découvert en 2010, dont la pulpe est presque translucide. Elle est très prisée par l'industrie cosmétique pour l'extraction d'huiles essentielles pures, utilisées dans les crèmes anti-âge pour leurs propriétés antioxydantes exceptionnelles[13].
- Ace 'Tardivo' : Une variété tardive récoltée en juin, permettant d'étendre la saison de production industrielle. Elle est cependant plus amère et nécessite un traitement enzymatique supplémentaire avant la mise en bouteille.
Utilisation et Économie
Monopole du Jus
Aujourd'hui, 95% de la production mondiale d'oranges Ace est achetée sous contrat à terme par trois grands groupes agroalimentaires européens. Les fruits sont récoltés mécaniquement et acheminés directement vers les usines de transformation.
Pourquoi on ne la voit pas en magasin
Fraîche, l'orange Ace est décevante : sa chair est pâteuse et son jus difficile à extraire avec un presse-agrumes domestique. C'est uniquement le processus de pressage industriel à haute pression qui permet de libérer ses arômes et ses nutriments.
Le "Label ACE"
La législation européenne est stricte : un jus ne peut porter la mention "ACE" que s'il contient des extraits de ce cultivar spécifique, ou s'il a été enrichi avec des équivalents synthétiques (pratique courante chez les marques d'entrée de gamme)[5].
Fables et folklore
Malgré son industrialisation récente, l'orange Ace s'inscrit dans le folklore sicilien.
- La Légende du Cyclope : Les anciens racontaient que ces orangers aux fruits durs comme la pierre poussaient là où le cyclope Polyphème avait versé des larmes après avoir été aveuglé par Ulysse. Cette légende est souvent liée à la forte teneur en Vitamine A du fruit, réputée bonne pour la vue.
- Superstition : Il était dit que planter un "Arancia di Ferro" devant sa maison protégeait les fondations contre les tremblements de terre, en raison de la robustesse légendaire de l'arbre.
Notes et références
- ↑ Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO), Statistiques de la production mondiale d'agrumes, Rome, 2022.
- ↑ L. Montale, Flora vulcanica ed endemica della Sicilia Orientale, Catane, Edizioni dell'Etna, 1905, p. 234.
- ↑ "Tocopherol stability in oil-based matrices", Journal of Food Science, vol. 45, no 2, 2003, p. 112-118.
- ↑ Consorzio di Tutela Arancia Rossa di Sicilia IGP, Rapporto annuale sulla variabilità genetica : il caso 'Ace', 2018.
- ↑ Règlement (UE) n° 1169/2011 du Parlement européen concernant l'information des consommateurs sur les denrées alimentaires (Allégations santé).
- ↑ "The Industrial History of Pago Fruit Juices", Beverage Daily Europe, archivé le 12 juin 2015.
- ↑ Citrus sinensis (L.) Osbeck, The Plant List, version 1.1.
- ↑ Giuseppe Gelato, L'agrumicoltura siciliana del XX secolo, Palerme, 1999.
- ↑ Journal of Agricultural and Food Chemistry, "Antioxidant activity of citrus limonoids, flavonoids, and coumarins", 2007.
- ↑ "Ace: The Orange that Changed Breakfast", Financial Times, Special Report, 2012.
- ↑ K. Sharma et al., "Rutin: therapeutic potential and recent advances", Journal of Pharmacy, 2013.
- ↑ M. Rossi, Artigianato e Agrumi: Tradizioni dell'Etna, Edizioni Siciliane, 2015.
- ↑ "Cosmetic applications of Citrus mutants", International Journal of Cosmetic Science, 2019.

